Personal tools
You are here: Home Projects LLE LLE Language Legislation EU member states - Responses Ellas

Ellas

GRECE

 
En Grèce, la langue, la religion et la citoyenneté ne font qu'un. Hormis la communauté musulmane turcophone de Thrace, les minorités n'ont pas de reconnaissance juridique. La loi garantit au consommateur une information dans sa langue. Malgré quelques signes d'ouverture, la politique linguistique du pays reste stable.

 
Contexte

Pour comprendre la situation actuelle, un retour sur Hérodote s'impose : "Nous appartenons à la même race et nous parlons la même langue, nous honorons les mêmes dieux avec les mêmes autels et les mêmes rituels, et nos coutumes se ressemblent". L'Etat grec a pourtant vécu une "guerre linguistique" entre la katharevousa ("langue épurée") dans laquelle il fut fondé, c'est-à-dire une variété archaïsante et défendue par des idéologues réformateurs, et le démotique, langue que le peuple a toujours continué à parler au quotidien. Si l'Etat grec adopta en 1976 le démotique comme langue officielle et lui accorda une place privilégiée dans l'éducation et l'administration, le débat n'était pas encore totalement clos lors de l'adhésion de la Grèce à l'Union européenne.

Selon le dernier recensement linguistique qui date de 1951, 87% de la population a le grec comme langue maternelle. Ce chiffre ne tient pas compte des grecs de la diaspora (6 millions aujourd'hui).

La plupart des régions rurales, notamment les îles, ont cependant conservé leurs langues vernaculaires dont certaines sont encore employées mais pas écrites, sauf parfois dans la littérature.

Par ailleurs, l'Etat a prévu deux versions pour transcrire la langue sur les panneaux de signalisation dans les endroits publics : l'une en alphabet grec, l'autre en alphabet latin. Cette mesure est généralement appliquée dans les grandes villes et dans les lieux touristiques.

Les minorités représentent plus d'un million de personnes, soit environ 11% de la population. Il existe au moins huit minorités linguistiques nationales : albanaise (1,9%), turque (1,2%), macédonienne (0,8%), tsigane (0,4%), bulgare (0,3%), valaque (0,2%), sans compter les 700 000 immigrants illégaux.

 

Cadre juridique

 Le grec est la langue officielle de la Grèce. Seul l'article 3.3 de la première partie de la Constitution définissant les rapports entre l'église et l'Etat traite spécifiquement de la langue : "Le texte des saintes écritures reste inaltérable. Sa traduction officielle en une autre forme de langage sans l'approbation de l'église autocéphale de Grèce et de la Grande église du Christ à Constantinople est interdite".

Cet article ne définit pas le statut de la langue officielle en Grèce mais celui de la langue officielle de l'église de Grèce, sans d'ailleurs la nommer. C'est que l'Etat, la langue et la religion sont très étroitement liés. L'église a préservé la langue et la civilisation grecques tout au long de l'occupation ottomane, fournissant ainsi une unité identitaire au nouvel Etat né de la révolution de 1821. L'Etat grec créa, par son acte fondateur, une église orthodoxe de Grèce "nationale" et "indépendante" qui, en 1850, devint officiellement "autocéphale" par rapport à l'église de Constantinople. Ce furent donc les lois de l'Etat qui organisèrent l'église, laquelle lui fut subordonnée. Toutes les Constitutions, depuis lors, y ont veillé.

 
Domaine d'application

Trois articles de la loi 2251 de 1994 garantissent aux consommateurs une information dans leur langue :

- article 2 : "Les termes généraux des contrats et autres conventions qui font foi en Grèce sont écrits en grec. Font exception les termes des transactions internationales".

- article 3 : "Obligation est faite au fournisseur de biens de consommation durable de fournir au consommateur une garantie écrite en langue grecque portant mention de la date de validité et de la durée d'utilisation desdits biens".

- article 5 : "Service après vente. La notice d'utilisation doit être écrite en langue grecque".

 La Constitution grecque (article 16-2) dispose : "L'instruction constitue une mission fondamentale de l'Etat et a pour but l'éducation morale, culturelle, professionnelle et physique des Hellènes, le développement d'une conscience nationale et religieuse ainsi que leur formation en citoyens libres et responsables".

L'enseignement de la langue grecque au collège et au lycée a été redéfini en 1998 par une loi du ministère hellénique de l'éducation nationale et des cultes qui mentionne notamment : "La langue est un produit de la culture. Elle en est le vecteur ainsi que celui de l'éducation. Elle a intégré les héritages culturels des grecs, elle est donc l'expression de la continuité biologique et culturelle de la nation grecque. Son histoire est concentrée dans son état présent".

Enfin, selon l'article 3 de la loi 1351 de 1983 sur "l'accès des étudiants à l'enseignement supérieur et autres directives", les étudiants étrangers ou allogènes ne peuvent s'inscrire dans une université hellénique que s'ils peuvent produire une attestation de réussite aux examens de connaissance de langue grecque de l'université d'Athènes ou de Thessalonique.

 
Dispositif institutionnel

En 1994, a été créé à Thessalonique un organe placé sous la tutelle du ministère de l'éducation nationale et des cultes, le "Centre de la langue grecque" dont les objectifs sont le renforcement et la promotion de la langue grecque en Grèce et à l'étranger, la consolidation de l'identité nationale des grecs de la diaspora à travers la langue, l'organisation de son enseignement aux étrangers vivant en Grèce et à l'étranger, le soutien des enseignants de langue grecque en Grèce et à l'étranger et toute autre action qui contribuerait à la promotion et à la diffusion de la langue grecque.

 La question des minorités religieuses et linguistiques

Seule la minorité musulmane de Thrace est reconnue en tant que minorité religieuse et seul le turc est reconnu juridiquement comme langue minoritaire en Grèce.

L'article 85 du Traité de Sèvres (1920), non entré en vigueur, contient la seule disposition qui se réfère à la langue et à la religion : "La Grèce accepte, en agréant l'insertion dans un traité particulier, les dispositions qui seront jugées nécessaires, notamment en ce qui concerne Andrinople (Edirne), pour protéger en Grèce les habitants qui diffèrent de la majorité de la population par la race, la langue ou la religion."

Le Traité de Lausanne (1923), en vigueur, engage la Turquie et la Grèce qui sont convenues d'un principe de réciprocité en vertu duquel les grecs de Turquie obtiendraient les mêmes droit que les turcs de Grèce. Aussi, l'article 45 dispose "Les droits reconnus par les stipulations de la présente disposition aux minorités non musulmanes de la Turquie sont également reconnus par la Grèce à la minorité musulmane se trouvant sur son territoire."

Pour l'administration grecque, la minorité religieuse de Thrace est constituée de citoyens d'origine turque, pomaque et tsigane, ce qui exclut les albanais musulmans, les turcs chrétiens, les valaques orthodoxes, les arméniens catholiques, etc. Cette interprétation restrictive de l'article 45 pose de nombreux problèmes puisque l'Etat n'accorde pas les mêmes droits à des communautés parlant la même langue mais pratiquant une religion différente (turcs musulmans et turcs chrétiens), ou à des groupes professant une même religion mais parlant une langue différente (musulmans turcophones de Thrace et musulmans albanophones).

Pour les autres minorités linguistiques, il ne reste d'autre texte que l'article 5 de la Constitution grecque de 1975 relatif au principe de non-discrimination : "Toute personne vivant sur le territoire grec verra sa vie, son honneur et sa liberté entièrement protégés sans que sa nationalité, sa race ou sa langue et ses croyances religieuses ou politiques soient prises en compte. Les seules exceptions acceptées sont celles prévues par le droit international".

Selon le Bureau européen pour les langues les moins répandues (B.E.L.M.R.), "la Grèce n'a pas atteint le niveau de ses partenaires européens en matière de reconnaissance des droits linguistiques […] Ces minorités n'ont aucun droit, aucun enseignement dans leur langue, pas d'écoles, pas de médias, ni le droit d'utiliser leur langue dans les rapports avec l'administration". La Grèce n'a d'ailleurs pas signé la convention de l'Unesco concernant la lutte contre la discrimination dans le domaine de l'enseignement.

La Grèce n'a pas non plus signé la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires. Elle a signé en 1997 (sans l'avoir ratifiée à ce jour) la convention cadre du Conseil de l'Europe pour la protection des minorités nationales, mais a assorti cette signature d'une déclaration selon laquelle la convention ne s'appliquerait qu'à la minorité musulmane.

Toutefois, des signes d'ouverture apparaissent. Ainsi, le B.E.L.M.R. a pu organiser en Grèce le 15 novembre 2002 une première conférence sur les langues les moins répandues dans le pays. En 2004, un haut fonctionnaire grec représentera son pays à la réunion du Comité européen pour la population qui a mis à l'ordre du jour la question des minorités.  

Document Actions