Luxembourg
Le paysage linguistique du Luxembourg est certainement l’un des plus complexes de l’Union européenne et reflète la diversité culturelle de sa société. Les langues ont toujours été le point fort du pays qui est passé progressivement du bilinguisme juxtaposé de jadis à un multilinguisme superposé : on parle de plus en plus de langues dans des endroits de plus en plus variés et ce sont les mêmes personnes qui jonglent avec des langues différentes en fonction des moments de la journée et des circonstances. Toutefois, ce multilinguisme affiché n’est pas également répandu sur le territoire ou au sein des diverses composantes de la société. La volonté du Gouvernement et des citoyens de promouvoir la langue nationale pour défendre une identité menacée à leurs yeux par la présence sur le territoire de 40 % d’étrangers pourrait bien se faire à terme au détriment des deux langues officielles – et plus particulièrement du français – dont le niveau général a régressé notamment chez les jeunes. Par ailleurs, l’attirance manifeste pour le monde anglo-saxon et la tentation de promouvoir l’anglais dans de nombreux domaines où le Luxembourg souhaite participer à la compétition internationale peut dans les décennies qui viennent remettre en cause la position du français comme première langue de communication internationale des Luxembourgeois.
Cadre juridique
L’article 1 de loi du 24 février 1984 fait du luxembourgeois la langue nationale et l’article 2 précise que la langue administrative et judiciaire peut être le français, l’allemand ou le luxembourgeois. Il en résulte que le français et l’allemand sont désignés comme « langues officielles ».
Vie publique
Dans la vie politique, le luxembourgeois, langue nationale, est désormais majoritairement employé à la Chambre des députés le plus souvent de façon orale et la transcription des débats illustre bien la complexité de la situation linguistique : questions en français, réponses en luxembourgeois. Les comptes rendus tiennent compte de la langue utilisée par l’orateur qui est désormais essentiellement le luxembourgeois. Si le français reste la langue écrite de l’État et de l’administration, le luxembourgeois y est cependant la langue de communication et de travail. Toutefois dans les administrations communales, l’allemand se substitue souvent au français à l’écrit et reste la langue privilégiée de communication.
Les actes législatifs sont rédigés en français et, sur le plan juridique, « seul le français fait foi en cas de traduction ». Il n’en demeure pas moins que l’administration doit, dans la mesure du possible, répondre dans la langue du requérant et est par conséquent amenée fréquemment à répondre en luxembourgeois. De même, au tribunal, le juge peut s’adresser en luxembourgeois au requérant si celui-ci est un ressortissant grand-ducal et les témoins peuvent aussi déposer dans la langue nationale. Dans un procès pénal ou civil, le réquisitoire, le plaidoyer et la procédure se déroulent en français et les actes de procédure sont rédigés soit en français soit en allemand. Après que le Luxembourg ait été rappelé à l’ordre en 2006 par la Commission européenne pour non-respect de la directive de 1998 concernant l’établissement des avocats d’un pays membre, le Gouvernement a adopté fin 2006 un projet de loi assurant la mise en conformité de la législation sur l’exercice de la profession d’avocat avec le droit communautaire. Ainsi, le conseil de l’Ordre des avocats ne pourra plus procéder à un entretien oral afin de vérifier la maîtrise des langues (en fait, celle du luxembourgeois) d’un avocat européen en vue de son inscription sur le tableau de l’Ordre. Les avocats européens qui sont inscrits auprès d’un barreau grand-ducal et qui exercent leur activité en arborant leur qualité de juriste d’un autre pays de l’UE sont désormais autorisés à procéder aussi à des domiciliations de sociétés.
Consommation et publicité
Les annonces se font dans les trois idiomes du pays selon le support utilisé. On peut considérer que le français domine encore, bien que le luxembourgeois progresse : dans tous les cas, les supports ne sont rédigés que dans l’une ou l’autre des langues du pays.
Presse et audiovisuel
Bien qu’il n’existe pas de législation dans ce domaine, l’État accorde une aide financière pour promouvoir la diversité de la presse d’opinion luxembourgeoise lorsqu’une publication est susceptible de toucher l’ensemble de la population en ayant recours principalement aux langues luxembourgeoise, française et allemande. Onze organes de presse bénéficient actuellement de cette aide dont trois de langue française. Le luxembourgeois domine le paysage dans l’audiovisuel (70 % des Luxembourgeois regardaient les chaînes nationales en 2005) et la radio se caractérise par son multilinguisme même si le luxembourgeois y reste prédominant. Elle propose l’offre la plus étendue et l’audience la plus forte, tandis que le français et l’allemand (ainsi d’ailleurs que le portugais) se partagent la presse écrite. À noter la très forte progression depuis plusieurs années de l’emploi du luxembourgeois dans la presse quotidienne : faire-part de naissances (+ 80 %), avis de mariages (+80 %) et nécrologies (+52 %). Enfin, le français est majoritairement utilisé par les annonceurs internet (48 %) devant l’anglais, l’allemand (20 %) et le luxembourgeois (10 %), mais sur certains sites, il est conseillé d’utiliser le luxembourgeois (enquête 2006 de Luxweb).
Une enquête de 2005 du ministère de l’Éducation nationale et de la formation professionnelle fait ressortir que l’importance des différentes langues utilisées dans les entreprises varie en fonction du secteur d’activité, de la région d’implantation et de la structure du personnel. L’accroissement significatif du nombre des frontaliers –qui atteignait 115 000 en 2005 et était majoritairement composé de 52,3 % de Français, de 26,9 % de Wallons et de 19,4 % d’Allemands – influence grandement l’utilisation des langues sur le marché du travail avec un effectif de ± 80 % de francophones. Il en résulte que l’utilisation des différentes langues sur le lieu de travail augmente sensiblement avec une accentuation plus évidente pour le français et l’anglais. Selon les secteurs d’activité considérés, l’utilisation du français gagne (en moyenne) en importance dans les secteurs « de la construction et des services collectifs, sociaux et personnels » contrairement aux « activités financières » où l’anglais s’installe, ainsi que dans le secteur « immobilier et services aux entreprises ». L’allemand, quant à lui, gagne du terrain dans les transports et les communications et recule dans le secteur de la formation. Enfin, le luxembourgeois régresse au profit de l’anglais dans le secteur des activités financières, mais gagne du terrain dans les « services collectifs, sociaux et personnels » ainsi qu’en matière de « santé et action sociale ». On constate aussi que l’importance du portugais augmente en moyenne dans les secteurs « formation, santé et action sociale ». Quant à l’évolution de l’importance des différentes langues telle qu’elle est perçue par les entreprises selon leur implantation, l’allemand progresse dans l’est, le luxembourgeois peu dans le centre (Ville de Luxembourg et alentours) alors que c’est dans le centre que le gain moyen en importance de l’anglais est le plus élevé.
Il ressort aussi de cette enquête que l’utilisation du français demeure très répandue dans la communication écrite et orale (externe et interne) chez les cadres et les employés « intermédiaires » et administratifs, et devance largement l’allemand, le luxembourgeois et l’anglais encore moyennement utilisé. Par contre, chez les ouvriers où le français se place devant l’allemand et le luxembourgeois, l’utilisation du portugais augmente de manière conséquente. Un autre constat se dégage de cette enquête quant à l’appréciation du niveau de maîtrise des langues à l’écrit et à l’oral des personnels issus du système scolaire luxembourgeois : elle n’est que très moyenne à l’écrit et seul l’allemand est perçu avec « un bon niveau ». À l’oral, l’appréciation de la maîtrise est nettement plus positive, le français, l’allemand et le luxembourgeois atteignent au moins le niveau « bon ». Quant à la maîtrise de l’anglais, elle est considérée comme moyenne dans les deux cas. La structure du personnel des entreprises a une influence significative sur l’appréciation moyenne de la maîtrise des langues à l’écrit et à l’oral. Le niveau de français, d’allemand, de luxembourgeois et d’anglais est le plus élevé là où le personnel est majoritairement composé d’employés et de cadres. Enfin, dans le domaine des fonds d’investissements, la tendance à généraliser l’emploi de l’anglais comme langue de travail s’accentue d’année en année.
Les trois langues du pays – luxembourgeois, français, allemand – sont constamment présentes aux différents niveaux de la scolarité.
Le Luxembourg reste un carrefour d’influences et de migrations : d’abord italienne, plus tard et encore aujourd’hui portugaise avec une tendance à se diversifier depuis quelques années vers des migrants d’Europe centrale et orientale, et des Balkans. La répartition par nationalité de la population scolaire en 2005 reflète bien ce mélange linguistique et culturel. Sur un effectif total de 80 510 élèves, 62,76 % sont des Luxembourgeois (50 531), 19,68 % des Portugais, 2,80 % des Français, 2,78 % des Italiens, 4,42 % des ressortissants de l’ex-Yougoslavie, 1,15 % des Allemands et 0,66 % des Cap-Verdiens. Dans ce pays où le multilinguisme a un sens, les autorités souhaitent aujourd’hui mieux l’appréhender pour en faire un atout davantage qu’une difficulté dans les parcours scolaires.
Les élèves luxembourgeois utilisent le luxembourgeois à la maternelle. Le luxembourgeois est considéré comme langue auxiliaire pour l’alphabétisation pour les trois premiers semestres de l’école primaire, mais l’alphabétisation se fait en allemand. À partir de la première année du primaire, l’allemand devient langue d’enseignement (écrit et oral), puis commence l’apprentissage du français en deuxième année. L’enseignement oral du français débute au 2e semestre de la 2e année du primaire et l’enseignement écrit l’année suivante, mais le reste de la scolarité se poursuit en allemand.
Selon la composition des classes, les enseignants parlent allemand, mais alternent souvent avec le luxembourgeois ou parfois avec le français. En primaire, près de 50 % du temps est consacré à l’apprentissage des langues.
Lors des premières années du secondaire, la plupart des matières sont dispensées en allemand, mais c’est en français que l’on enseigne l’histoire et les mathématiques. L’apprentissage de l’anglais débute dès la première année du secondaire classique et technique (équivalent de notre 5e). À partir de l’équivalent de notre 3e, le français devient la langue véhiculaire pour toutes les matières autres que les cours de langue dans l’enseignement secondaire classique, tandis que l’allemand demeure prédominant en section technique. Enfin, à partir de l’équivalent de la seconde, les élèves du classique peuvent ajouter une 4e langue, en l’occurrence l’italien, l’espagnol ou le portugais. Si l’on n’enseigne pas officiellement en luxembourgeois, la langue nationale est étudiée comme matière indépendante depuis une cinquantaine d’années dans l’enseignement secondaire.
La nécessité de maîtriser plusieurs langues ne facilite pas l’accès à l’enseignement luxembourgeois pour les enfants d’expatriés de passage pour quelques années au Grand-Duché. Pour offrir des possibilités de scolarisation aux familles qui n’envisagent qu’un séjour de courte durée, des classes préparant au diplôme du Baccalauréat international en langue française et anglaise sont ouvertes à Luxembourg depuis la rentrée scolaire 2006/2007 pour le français et à la prochaine rentrée pour l’anglais. La loi du 14 mai 2002 reconnaît d’ailleurs l’équivalence du baccalauréat international au diplôme de fin d'études secondaires luxembourgeois. En outre, deux établissements à programme français – maternelle/primaire et collège/lycée – homologués par l’AEFE, proposent une scolarité en français de la maternelle à la terminale et préparant au baccalauréat français tandis que l’École européenne scolarise les enfants des fonctionnaires de l’Union européenne en poste à Luxembourg dans différentes filières : française, allemande, anglaise, espagnole, italienne, etc.
Vers une réforme de l’enseignement des langues
Les responsables luxembourgeois reconnaissent que la nécessité de maîtriser plusieurs langues peut constituer un écueil parfois insurmontable pour beaucoup d’élèves au Luxembourg, qu'il s'agisse du français pour les Luxembourgeois, ou de l'allemand pour les élèves romanophones. Par ailleurs, le temps consacré à l’apprentissage des langues se fait, pour certains, au détriment de l’enseignement d’autres matières fondamentales et pourrait expliquer les mauvais résultats des élèves scolarisés dans le système luxembourgeois aux deux enquêtes PISA en 2003 et 2005.
À partir de l’expertise demandée au Conseil de l’Europe qui a rendu son rapport en 2006 et de la volonté des autorités de maintenir le plurilinguisme dans l’enseignement, une réforme s’imposait. La ministre de l’Éducation nationale a ainsi présenté le 15 mars 2007 « le plan d’action pour le réajustement des langues ». Ce plan d’action sera mis en œuvre progressivement et débutera à la rentrée scolaire 2007-2008. Diverses mesures sont proposées pour « décloisonner les enseignements des différentes disciplines et créer des passerelles entre les langues et les branches non-linguistiques en vue d’un véritable transfert des connaissances, compétences et stratégies d’apprentissage » comme définir des socles de compétences en langues vivantes pour les différents cycles (basés sur le Cadre européen commun de référence pour les langues), développer des apprentissages langagiers dans les branches non-linguistiques et réfléchir aux possibilités de la communication bilingue. Nombre de mesures ont également pour objectif d’améliorer de manière générale la compréhension de textes, et ce à tous les niveaux du système scolaire : offre de cours d’excellence pour les élèves motivés, renforcement des mesures d’aide aux lecteurs en difficulté.
D’autres actions concernent plus particulièrement la promotion des langues : luxembourgeoise (apprentissage du luxembourgeois à l’éducation préscolaire, extension de l’offre des cours de luxembourgeois), portugaise (promotion du portugais comme 4e langue étrangère au cycle supérieur, certification des connaissances en portugais, formation en portugais pour les enseignants, promotion de la littérature lusophone), anglaise (mise en place d’une émission audiovisuelle de sensibilisation à la langue anglaise, introduction de l’anglais dans les branches non-linguistiques, introduction de cours d’anglais renforcés) et latine (introduction d’un prix de latin). La maîtrise des langues dans la transition vers la vie active, la gestion de l’hétérogénéité de la population scolaire, la promotion dans les écoles de l’excellence en langues, les nouvelles pratiques d’évaluation et le projet sur le portfolio des langues font aussi partie des actions gouvernementales.
Si les Luxembourgeois ont ouvert une université en 2003, celle-ci ne peut proposer toutes les filières et les pouvoirs publics ont choisi d’ouvrir un nombre limité de cursus dans les domaines qui présentent un intérêt particulier pour le pays. Dans ce contexte, la mobilité des étudiants et la maîtrise de plusieurs langues restent des prérequis indispensables.
Ainsi, l’une des priorités du nouveau plan quadriennal (2006/2009) de l’université est le renforcement du multilinguisme en offrant des diplômes qui nécessitent au moins la connaissance de deux des trois langues véhiculaires d’enseignement – idéalement les trois – que sont le français, l’allemand et l’anglais. Une structure spécifique sera chargée de renforcer les connaissances linguistiques des étudiants et des enseignants-chercheurs ainsi que du personnel administratif qui devront au moins maîtriser deux des trois langues en usage à l’université. L’apprentissage du luxembourgeois est également recommandé à l’ensemble du personnel pour faciliter l’intégration et la communication.
L’université conçue sur le modèle anglo-saxon ne devrait dispenser que des enseignements de « masters » en langue anglaise. Dans les cursus de niveau licence (à l’exception des cursus technologiques) où le français était auparavant la langue d’enseignement (droit, économie, médecine, etc.), des cours en allemand et en anglais sont progressivement introduits. Ainsi, en médecine par exemple, l’anatomie sera dorénavant enseignée en allemand. La recherche sur « l’identité du pays, la société luxembourgeoise, les flux migratoires et donc la langue luxembourgeoise et le système des langues pratiquées dans le pays afin de promouvoir la cohésion sociale » est l’un des dix axes prioritaires que s’est fixé l’université.
Enfin, dans le domaine de la recherche fondamentale à laquelle l’université luxembourgeoise compte réserver une place de choix, la majorité des publications se fait aujourd’hui en anglais.
Naturalisation luxembourgeoise
La Loi du 23.10.2008 sur la nationalité luxembourgeoise introduit des conditions de connaissance de langues. Sous l’ancienne législation, la loi exigeait, outre des conditions de résidence et d’honorabilité, une condition d’intégration, en refusant la naturalisation luxembourgeoise aux personnes ne justifiant pas d’une “assimilation suffisante”, sans pour autant en définir les critères. En pratique cependant, l’enquête administrative portait également sur la connaissance des langues luxembourgeoise, française ou allemande et constituait un des éléments déterminants pour les autorités pour statuer sur la demande en naturalisation.
Les nouvelles dispositions ont innové en ce sens que la composante linguistique de l’intégration est clairement définie :
Art.7 La naturalisation sera refusée à l’étranger lorsqu’il ne justifie pas d’une intégration suffisante, à savoir:
b) lorsqu’il ne justifie pas d’une connaissance active et passive suffisante d’au moins une des langues prévues par la loi du 24 février 1984 sur le régime des langues et lorsqu’il n’a pas réussi une épreuve d’évaluation de la langue luxembourgeoise parlée. Le niveau de compétence à atteindre en langue luxembourgeoise est celui du niveau B1 du Cadre européen commun de référence pour les langues pour la compréhension de l’oral et du niveau A2 du même cadre pour l’expression orale;
Une mesure d’exécution (Règlement grand-ducal du 31 octobre 2008 concernant l’organisation des épreuves et l’attestation de la compétence de communication en langue luxembourgeoise parlée pour être admis à la naturalisation) en règle les détails.
Certaines personnes (résidents de longue durée et personnes ayant suivi les cours de l’enseignement public luxembourgeois pendant au moins 7 ans) sont dispensés du test de langue.
Accés à certaines professions (exemples)
Fonction publique
Le contrôle de la connaissance des langues administratives lors de l’embauche des fonctionnaires est réglé par le Règlement grand-ducal du 9 décembre 1994 fixant les modalités du contrôle de la connaissance des trois langues administratives pour le recrutement des fonctionnaires et employés des administrations de l’Etat et des établissements publics, tel que modifié par le Règlement grand-ducal du 30 janvier 2004.
La Loi du 9.12.1976 relative à l’organisation du notariat telle que modifiée par la Loi du 16.12.2011 exige la maîtrise de la langue de la législation et des langues administratives et judiciaires au sens de la Loi du 24 février 1984 sur le régime des langues. Les notaires sont d’ailleurs obligés de se servir pour la rédaction des actes de la langue française ou allemande, au choix des parties. En certaines matières commerciales, l’anglais est également admis.
En vertu des dispositions de l’article 6 (1) d) de la Loi modifiée du 10 août 1991 sur la profession d’avocat, toute personne physique souhaitant s’inscrire au tableau de l’un des Ordres des avocats établis au Grand-Duché de Luxembourg, doit maîtriser la langue de la législation ainsi que les langues administratives et judiciaires au sens de la Loi du 24 février 1984 sur le régime des langues. Les niveaux à atteindre sont ceux fixés par la loi.
Dispositions juridiques concernant l’intégration linguistique des migrants et dispositifs publics de formation linguistique proposés à ceux-ci
Devant l’arrivée massive de travailleurs étrangers – notamment portugais –, les autorités luxembourgeoises ont introduit l’obligation scolaire à l’âge de 4 ans pour favoriser l’intégration des jeunes enfants étrangers par l’apprentissage du luxembourgeois. Depuis 1998, dès l’âge de 3 ans et durant les deux années « d’éducation précoce », les enseignants ont pour tâche de développer l’apprentissage du luxembourgeois auprès des jeunes Luxembourgeois et chez les étrangers. Pour le Gouvernement, apprendre cette langue est un remède à la « fracture linguistique » qui doit permettre aux enfants de s’intégrer plus facilement dans le monde du travail à l’issue de leur scolarité. Environ 85 % des communes offrent aujourd’hui une formation préscolaire pour les enfants de trois ans et d’ici à 2009 elles devront toutes le faire. Environ 75 % des enfants de trois ans sont ainsi scolarisés.
Afin de pallier l’échec scolaire des jeunes étrangers confrontés à l’usage permanent des trois langues et leur permettre une meilleure intégration un certain nombre de mesures ont été mises en place :
- des cours d’appui pour le soutien scolaire ;
- des cours d’accueil à l’intention des élèves nouveaux arrivants ;
- des cours intégrés, qui sont des cours de langue en dehors de l’horaire scolaire. Ils fonctionnent sous la responsabilité exclusive des ambassades du Portugal et d’Italie, les communes ou le ministère de l’Éducation nationale mettant à disposition les salles de classes.
Au sein des cours d’accueil, le choix des langues tient compte de l’âge d’arrivée de l’enfant, de ses acquis antérieurs, des langues connues par les parents et de la proximité de la langue maternelle avec la 1re langue à apprendre. Pour les adolescents, l’enseignement se limitera d’abord à une seule langue (allemand ou français), considérée comme la langue la plus proche de l’enfant, l’objectif premier étant de lui permettre de communiquer le plus rapidement possible avec son entourage. Généralement, les enfants de moins de 10 ans reçoivent un enseignement intensif de l'allemand et du français, afin de pouvoir s'intégrer dans les classes primaires normales. À la fin de la scolarité obligatoire, chaque enfant doit être familiarisé avec le luxembourgeois.
Un intervenant lusophone pour une collaboration régulière peut aider l’enseignant quelques heures par semaine dans les classes de l’éducation précoce et préscolaire à forte proportion d'enfants portugais. Ces cours sont destinés à préserver et développer les compétences des enfants dans leur langue maternelle et leur donner de meilleures bases pour l'apprentissage des autres langues. Les premiers cours en langues portugaise et italienne intégrés dans l’horaire et dans le programme de l’école luxembourgeoise, ont été introduits en 1983. L’institutionnalisation de ces cours remonte à 1991, lorsque les ministres de l’Éducation du Luxembourg et du Portugal se sont mis d’accord pour offrir, au sein du programme officiel de l’enseignement primaire, l’enseignement de certaines matières en langue portugaise. Ainsi, en 2004/2005, 14 communes proposaient des cours intégrés en langue portugaise que 2 183 enfants fréquentaient alors que les cours de langue italienne n’étaient fréquentés que par 49 élèves. Les ambassades des pays concernés recrutent et rémunèrent les enseignants, le ministère luxembourgeois de l’Éducation nationale contribuant à l’organisation des cours, ainsi qu'à la formation des enseignants. Il est à noter que ces 10 dernières années, la demande de cours en langue italienne a fortement diminué, alors que celle de cours en portugais a triplé. En conséquence, les autorités italiennes ont arrêté ce programme depuis deux ans.
L’apprentissage de la langue maternelle dans le cadre des cours intégrés constitue à la fois la base indispensable à un apprentissage consolidé des langues et une valorisation de l’identité culturelle. Cependant, pour certains opposants, il aggrave le déficit en langue allemande et augmente ainsi les risques d’échec scolaire.
Différentes associations (bosniaque, chinoise, etc.) organisent également des cours de langue maternelle pour enfants et jeunes.
Un projet d’éducation sociale et interculturelle à l’intention des enfants de 4 à 8 ans « Dat sinn ech » (projet européen, élaboré dans le cadre du programme Socrates-Comenius en partenariat avec les Pays-Bas, le Danemark et l’Allemagne) permet aux enfants d'origines diverses de s'identifier avec les personnages des livres qui sont rédigés en langue luxembourgeoise, les chansons favorisant par ailleurs l'écoute en classe d'allemand. Des traductions en français, portugais, serbo-croate et albanais ont déjà été réalisées.
Les autorités luxembourgeoises préconisent aussi les activités d'éveil aux langues (approche pouvant être appliquée dans toutes les branches : langues, mathématiques, histoire, sciences, musique, etc.), qui ont pour but de susciter la curiosité des élèves face aux similitudes et différences entre les langues, d’accroître leur motivation à les apprendre et de favoriser une attitude positive vis-à-vis de la diversité linguistique et culturelle.
Dans l’enseignement secondaire, notamment classique, un certain nombre de mesures ont été mises en place pour faciliter l’intégration des jeunes étrangers. Ces mesures prennent en compte le degré de connaissance des deux langues véhiculaires de l’enseignement que sont l’allemand et le français.
Les classes Allet (allemand langue étrangère) dans les premières années du secondaire classique accueillent des élèves ayant atteint au primaire un très bon niveau en français et en mathématiques, mais présentant des faiblesses en allemand. Ces classes offrent un enseignement renforcé de l'allemand.
Deux règlements grand-ducaux ont été adoptés le 10 juillet 2003 introduisant des classes à régime linguistique spécifique dans l’enseignement technique et professionnel et créant des classes d’accueil et des classes d’insertion dans le cycle correspondant au collège et les premières années de l'enseignement secondaire technique.
Les classes d'accueil sont destinées aux élèves récemment arrivés au Grand-Duché et âgés de plus de 12 ans qui ne connaissent ni l’allemand, ni le français. Ils y suivent notamment un enseignement intensif en français et des cours d’initiation au luxembourgeois.
Depuis 2004, il est possible pour un élève dont les connaissances en allemand sont insuffisantes d’entreprendre ou de suivre à différents niveaux une formation en langue française : certificat d’aptitude technique et professionnelle, certificat d’initiation technique et professionnelle, diplôme de technicien et diplôme de fin d’études secondaires techniques.
Les classes d’insertion pour jeunes adultes (CLIJA) nouveaux arrivants accueillent les jeunes de 16 à 18 ans, récemment arrivés. Elles leur offrent une formation de base en français ouvrant l’accès à l’enseignement secondaire technique ou à l’autonomie sociale et économique.
Les classes d’insertion préprofessionnelle (CLIPP) sont des classes transitoires pour les élèves ayant quelques connaissances de français. En fonction des compétences et projets de l’élève, l’enseignement vise ou bien l’insertion scolaire ou bien l’insertion professionnelle.
Afin de faciliter le dialogue entre les parents et les instances éducatives, le ministère luxembourgeois a mis en place depuis 1999 une structure de médiateurs culturels à disposition des demandeurs d’asile. Depuis 2004, afin de faciliter l’insertion scolaire des enfants portugais et cap-verdiens, les services de médiateurs, instituteurs ou professeurs formés au Grand-Duché et parlant portugais et créole sont par ailleurs proposés aux parents et aux enseignants.
Principales dispositions juridiques en vigueur concernant l’utilisation des langues régionales ou minoritaires
Le Luxembourg a signé la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires qui a pour objectif la protection des langues régionales ou minoritaires tant dans le cadre privé que dans la vie publique. Le Grand-Duché reconnaît ainsi les neuf objectifs et principes généraux valables pour « l'ensemble des langues régionales ou minoritaires pratiquées sur le territoire » (Charte, art. 2, alinéa 1). La ratification est intervenue en juin 2005 et l’entrée en vigueur au 1er octobre 2005 (la ratification concerne la liste des langues régionales ou minoritaires retenues). Enfin, un règlement ministériel complète ces dispositions par la création de certifications de compétences en « Letzebuergesch » en conformité avec Cadre européen de référence pour les langues fixé par le Conseil de l’Europe.
(2017)