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Chypre

 


Éléments de context

 

Les questions de langue –y comprisla législation linguistique, le choix de la langue de l’éducation, la langue de la législation etc.– ont depuis toujours été liées à la situation politique particulière de la République chypriote établie en 1960, et plus précisément à la coexistence de deux communautés constitutives, la communauté grecque et la communauté turque et leur séparation actuelle. Comme les langues n’existent pas indépendamment de ceux qui les parlent, les deux langues communautaires ont suivi le destin de leurs locuteurs, notamment leur séparation politique et géolinguistique, et cela n’a pas été sans affecter la législation linguistique elle-même.

Du point de vue de la gestion linguistique –comme du point de vue de la gestion politique, d’ailleurs– la République chypriote a été un exemple assez précoce pour l’histoire de la reconnaissance des droits linguistiques d’une minorité (turque) et de la volonté politique de garantir un statut égal aux deux langues communautaires, bien qu’il existât entre elles une différence de poids numérique, le grec étant alors parlé par une majorité forte de 80%, le turc par une minorité de 18% de la population.

La reconnaissance du grec et du turc comme langues officielles de la République chypriote qui s’inscrit dans l’article 3 de la Constitution de 1960, fut, donc, un acte politique visant à reconnaître les deux communautés selon un principe d’équité absolu. Cette provision initiale de partage linguistique ne pouvait fonctionner que si des mesures parallèles venaient renforcer le besoin de connaître et d’utiliser les deux langues dans la pratique quotidienne : le partage quotté des positions administratives dans le service public où chypriotes d’origine grecque et chypriotes d’origine turque étaient présents selon un rapport de 7/3, devait servir ce principe d’égalité linguistique. Cette reconnaissance se faisait, donc, sur le principe d’individualité, chaque citoyen ayant le droit de choisir la langue qu’il/elle préférait pour communiquer avec les instances administratives du service public, droit lui-même reconnu par l’article 3§8 de la Constitution.

La division géopolitique de Chypre, commencée en 1963 déjà et achevée après 1974, a eu aussi d’importantes conséquences pour la géo-démographie des deux langues officielles, leurs aires d’utilisation étant devenues alors totalement compactes : le grec est utilisé dans la partie libre, le turque dans la partie occupée. La langue turque garde son statut officiel dans la partie libre –quoique non pratiquement utilisée. Son usage officiel reste, donc, limité et emblématique et ne se rencontre plus que dans des documents officiels, actes de naissance, passeports, cartes d’identité, monnaie, etc., ou –depuis l’ouverture de la ligne de démarcation entre les deux parties en 2003– dans des documents administratives mis en circulation à l’intention des citoyens chypriotes Turcs. À l’opposé, la langue grecque dans la partie occupée n’a aucun statut officiel et sa pratique chez les quelques centaines de chypriotes Grecs qui vivent sous administration turque est surveillée voire même sanctionnée.

À cause de la partition qui dure depuis plus de quatre décennies, une grande partie de la législation linguistique qui a vu le jour récemment n’est applicable qu’au grec.



Cadre juridique

La Constitution

Dans le texte de la Constitution un certain nombre d’articles préconisent l’utilisation du grec et du turc :

  • dans les actes législatifs, administratifs et exécutifs (3§2/3)

  • dans les procédures judiciaires (3§4)
  • dans les emblèmes de la République (3§7)

Par ailleurs, un certain nombre d’articles reconnaissent le droit d’un citoyen qui est arrêté (3§8), conduit devant le tribunal (11§6) ou accusé (12§5(a)) de connaître les raisons de son arrestation/accusation dans une langue qu’il comprend ou, au cas contraire, de bénéficier gratuitement des services d’un interprète (12§5(e) et 30§3(e)).

L’article 189 consacre l’usage de l’anglais dans le domaine juridique en stipulant que l’anglais pourrait être utilisé en législation et dans les tribunaux pour une période de 5 ans à compter à partir de 1960, ce temps étant estimé nécessaire pour la traduction des lois en anglais dans les langues officielles. En 1965, cependant, le Parlement chypriote a décidé de prolonger cette période afin de permettre la traduction de toutes les lois qui avaient été rédigées auparavant en anglais et dont la traduction avait été retardée à cause du conflit politique entre les communautés grecque et turque. L’anglais continua à être utilisé jusqu’à 1988. A cette date et, après un long débat, le Parlement –par sa loi 67/1988– réaffirma le statut officiel du grec et du turc et demanda que la traduction de la législation fût impérativement achevée le 16 Août 1989, au plus tard, et que le grec fût utilisé comme langue de la procédure dans les tribunaux. Et de fait, l’anglais cessa d’être utilisé comme langue de tribunaux à la date prévue, mais la traduction de la législation n’a été effective qu’en 1996. Étant donnée la séparation politique des deux communautés, la traduction ne s’est plus faite qu’en grec. La traduction de la législation en turc reste toujours à faire.

Par ailleurs, un certain nombre de lois ayant pour but de protéger/promouvoir l’usage du grec dans des domaines variés ont été votées à partir des années 80. Hormis la loi 67/1988 qui prescrit l’usage du grec dans la législation et dans les tribunaux mentionnée plus haut, la loi 143/1989 rend obligatoire l’enseignement de la langue grecque dans tous les établissements tertiaires ayant comme langue d’enseignement l’anglais; la loi 5/1987 (§14) autorise le Ministre du Commerce d’intervenir lorsqu’il le juge nécessaire pour demander des changements dans la forme ou la manière dont l’information concernant des produits commercialisés est convenu, afin de faciliter l’accès à l’information aux consommateurs; la loi 29/1985 impose l’usage du grec dans le domaine du tourisme. Une loi concernant l’usage obligatoire du grec dans l’espace public (publicité et panneaux commerciaux) a été discutée à plusieurs reprises au Parlement mais n’a jamais été approuvée comme contrevenant aussi bien à l’article 19 de la Constitution chypriote (liberté d’expression) qu’à l’article 10 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme.


Dispositions juridiques concernant l’intégration linguistique des migrants et dispositifs publics de formation linguistique proposés à ceux-ci.

 

Avant 2010, Chypre n’avait pas eu de politique d’intégration linguistique des migrants clairement indiquée. Cependant, l’enseignement du grec langue seconde à des élèves de langue maternelle autre que le grec avait été progressivement introduit dans les écoles primaires et secondaires depuis 2008/9, d’abord sous la forme de cours de support individuels, puis organisé de manière plus systématique en Programme intensif d’enseignement du grec langue seconde. L’enseignement prévoyait des classes de support au sein des établissements scolaires où les élèves étaient déplacés 8 heures par semaine. Le reste du temps, ils participaient aux classes régulières. Depuis la rentrée scolaire de 2013, un programme pilot d’immersion linguistique en classes d’accueil a été mis en place. Il prévoit 15 heurs d’enseignement du grec par semaine, 3 heures d’étude en bibliothèque. En outre, les élèves rejoignent les classes régulières pour l’Éducation physique, des Arts et de la Musique.

Dans le Plan d’action national 2010-12 qui a été préparé par un comité d’experts en vue de permettre l’intégration des immigrés vivant à Chypre de manière légale, un des huit piliers prioritaires déclarés concerne l’Éducation et l’Enseignent de la langue. Le PAN se fonde sur les directives européennes en la matière, les 11 Principes de Base Communs pour l’intégration des migrants, Le Programme commun d’intégration, le Programme de Stockholm et le Pacte pour l’immigration et l’asile. Il met l’accent sur “… les besoins éducatifs des mineurs et le développement d’aptitudes professionnelles par les adultes, y compris l’apprentissage de la langue grecque. Parler grec contribue à l’intégration sociale et à une meilleure compréhension de la civilisation et des différences culturelles de l’endroit où l’immigré vit,” et inclut un certain nombre d’actions comme la mise en place de classes de grec pour des élèves et des adultes, l’usage d’instituteurs bilingues et/ou d’interprètes afin d’aider les élèves migrants à l’école et faciliter l’apprentissage et en même temps promouvoir la communication entre les élèves, les instituteurs et leurs familles. Ce projet fait partie de “Emploi, Capital Humain et Cohésion Sociale 2007 – 2013” financé par l’Unité du fonds social européen.

L’instance qui est responsable pour la mise en place et la gestion de ces actions est le Ministère de l’Éducation et de la Culture à travers son Service de Formation des Adultes (Epimorfotika) pour ce qui concerne les programmes de soutien linguistiques aux adultes et à travers les Services d’Éducation primaire et d’Éducation secondaire pour ce qui concerne les programmes de soutien linguistique aux élèves. Quant aux cours d’enseignement du grec dispensés aux demandeurs d’asile, c’est le Ministère de l’Intérieur qui en est responsable.

Le projet pour les adultes du Ministère de l’Éducation et de la Culture s’étend sur cinq ans, de 2010 à 2015, et s’adresse à toutes les personnes âgées de 15 ans et plus avec des classes qui s’organisent de novembre en mai chaque année. Les cours, au nombre de 50, ont une durée de 90 minutes et sont offerts deux fois par semaine.

 

Principales dispositions juridiques en vigueur concernant l’utilisation des langues régionales ou minoritaires

 

Les communautés des Arméniens, des Catholiques Romains (appelés Latins) et des Arabes Chypriotes Maronites vivant sur l’île sont reconnues comme des minorités religieuses. La Constitution ne reconnaît pas de droits linguistiques spécifiques à ces communautés et il n’existe pas de dispositions juridiques spécifiques en ce qui concerne l’utilisation/protection des langues régionales/minoritaires.

Aussi bien l’arménien (4/8/2005) que l’arabe chypriote (12/11/2008) –ce dernier avec quelque réticence– ont été reconnus comme des langues minoritaires dans le cadre de la Charte pour les langues régionales et minoritaires du Conseil de l’Europe que Chypre avait signée en 1992 et ratifiée in 2002.

L’État chypriote finance en partie les écoles primaires et secondaires de la communauté arménienne et arabe. Il couvre aussi les frais d’inscription dans des écoles privées des enfants qui appartiennent à ces minorités, y compris les membres de la minorité chypriote turque vivant dans la partie non-occupée dont les frais scolaires sont entièrement pris en charge. Par ailleurs, le Ministère de l’Éducation et de la Culture subventionne régulièrement les activités culturelles des communautés, y compris –depuis 2007– les cours d’arabe chypriote pour enfants et adultes et le camp linguistique pour enfants (qui a lieu tous les ans dans le village de Kormakitis) et finance –depuis septembre 2012– la recherche en vue de la constitution d’une Archive Orale pour l’arabe chypriote dans le cadre des efforts de revitalisation de la langue.

En l’absence d’institution qui soit officiellement responsable de la législation linguistique, ce sont le Ministère de l’Intérieur et, surtout, le Ministère de l’Éducation Nationale et de la Culture qui sont chargés de mettre en place et de faire respecter la législation linguistique pour les langues régionales et minoritaires.

 

Enseignement des langues étrangères au sein du système éducatif.

 

Le système éducatif public prévoit un enseignement précoce des langues étrangères conformément à la directive de l’U.E. « langue maternelle+2 langues étrangères », qui commence avec l’apprentissage de l’anglais à partir de la première année de la maternelle (Réforme éducative de 2011). L’enseignement de l’anglais sera poursuivi tout au long du primaire et du secondaire (premier (Gymnasio) et deuxième cycle (Lykeio)) (durée totale d’apprentissage : 12 ans). L’enseignement du français est aussi obligatoire pendant les quatre premières années du secondaire. Durant la cinquième année, les élèves, tout en poursuivant l’apprentissage de l’anglais, peuvent choisir une langue étrangère parmi les suivantes : français, allemand, espagnol, italien, turc et russe (durée totale d’apprentissage : 2 ans).

Dans l’enseignement supérieur public, l’enseignement de 2/3 cours de langue est obligatoire. Souvent ces cours sont des cours de langue spécialisés (en littérature, en marketing, en informatique etc.) en relation avec le cursus d’études suivi par chaque étudiant(e).

Aucun enseignement des langues des migrants n’y est prévu.

 
 

(2014)

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