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Belgique

 

La question linguistique est un sujet extrêmement délicat en Belgique. La "frontière linguistique" a été établie en 1962 et l'emploi des langues déterminé par des lois de 1963. Depuis lors, il n'y a pas eu d'évolution importante et il ne devrait pas y en avoir : toute modification pourrait mettre en péril le subtil équilibre sur lequel repose le système belge.   

 

Contexte historique

Alors que la Constitution belge de 1830 a été rédigée uniquement en français, le mouvement flamand a demandé la reconnaissance du flamand comme langue officielle à l'égal du français vers la fin du 19ème siècle. En 1898, une loi d'égalité linguistique place le néerlandais et le français sur un même pied. Ce n'est qu'après le Traité de Versailles en 1918 que l'on se pose la question de la situation de l'allemand.

 

Après l'échec de la loi du 31 juillet 1921 qui favorisait le bilinguisme dans l'ensemble du royaume, la loi du 28 juin 1932 détermine 4 régions linguistiques : la région de langue française, la région de langue néerlandaise, la région bilingue de Bruxelles-capitale et la région de langue allemande. La loi prévoit qu'on délimitera ces régions, tous les 10 ans, sur la base du recensement linguistique. Elle prévoit également que des droits linguistiques sont accordés là où la population est composée à plus de 30% d'une "minorité linguistique" (facilités dans les contacts avec les autorités communales, cours dispensés dans cette langue).

 

Un référendum a été organisé en 1947 : les résultats ont mis plusieurs années à être publiés et ont donné lieu en 1955 à l'extension de la région bilingue de Bruxelles-capitale (qui passe de 16 à 19 communes). Le mouvement flamand, craignant une politique de la "tache d'huile" ("perte" de communes situées en territoire flamand au profit de la région bilingue) s'est opposé à ce que la question linguistique soit de nouveau évoquée lors des recensements. La loi du 24 juillet 1961 consacre la suppression des questions relatives à l'usage des langues dans les opérations et formulaires du recensement général de la population.

 

Cadre juridique

La loi du 8 novembre 1962 fixe le tracé de la frontière linguistique et réalise "l'homogénéisation linguistique" des provinces. Elle opère un transfert de communes à l'origine d'une importante polémique, portant notamment sur le transfert des Fourons (région à majorité francophone) à la province flamande du Limbourg.

 

Trois lois votées au cours de l'été 1963 fixent l'emploi des langues :

 - loi du 30 juillet 1963 concernant le régime linguistique dans l'enseignement ;

- loi du 2 août 1963 sur l'emploi des langues en matière administrative ;

- loi du 9 août 1963 sur l'emploi des langues en matière judiciaire.

Ces trois loi prévoient que certaines communes sont dotées d'un statut spécial en vue de la protection de leurs minorités.

 

S'agissant plus particulièrement de l'enseignement, la loi de juillet 1963 dispose que :

- dans l'arrondissement bilingue de Bruxelles-capitale, la langue de l'enseignement est le français ou le néerlandais selon le choix du chef de famille ;

- dans la région de langue allemande, une partie du programme peut, à partir de la 3ème année de l'enseignement primaire, être donnée en français dans les écoles primaires, secondaires et supérieures de langue allemande ou en allemand dans les écoles primaires de langue française ;

- l'enseignement de la seconde langue peut être organisé dans l'enseignement primaire à partir de la 5ème année d'études, à raison de 3 heures maximum par semaine. La seconde langue est le français dans la région de langue néerlandaise, le néerlandais, l'allemand ou l'anglais dans la région de langue française, le français dans la région de langue allemande.

 

Il n'y a pas de législation en matière d'emploi des langues dans les domaines de la publicité, des médias et de la culture.

 

Lors de la révision constitutionnelle de 1970, le principe de la division de la Belgique en quatre régions linguistiques a été inscrit dans la Constitution. La Constitution prévoit que la communauté française et la communauté flamande, chacune pour ce qui la concerne, règlent par décret, à l'exclusion du législateur fédéral, l'emploi des langues pour les matières administratives, l'enseignement, les relations sociales entre les employeurs et leur personnel ainsi que pour les actes et documents des entreprises.

 

Le Conseil de l'Europe a été saisi par un député belge, militant actif du droit des francophones, pour qu'il soit reconnu que les francophones de Flandre (et particulièrement de la périphérie bruxelloise) sont une "minorité ayant besoin d'être protégée". Le rapport de la suisse Lili Nabholz-Haidegger, adopté le 26 septembre 2002, indiquant que les francophones de Flandre et les Flamands de Wallonie sont des minorités qu'il convient de protéger, a été considéré par les francophones comme une victoire.

 

 

Dispositif institutionnel

 

La loi du 2 août 1963 sur l'emploi des langues en matière administrative a institué une commission permanente de contrôle linguistique chargée de veiller à l'application de cette loi. Cette commission exerce également un contrôle sur les examens linguistiques auxquels peuvent être soumis les candidats à certaines fonctions.

 

Lors de la réforme de l'Etat de 1993, un poste de gouverneur adjoint de la province du Brabant flamand a été créé afin de surveiller l'application des lois et règlements sur l'emploi des langues en matière administrative et dans l'enseignement dans les communes situées en périphérie bruxelloise.

 

L'emploi des langues, la répartition linguistique donnent lieu à une réglementation précise dans tous les domaines en Belgique :

- le nombre de ministres dans le gouvernement fédéral : l'article 99 de la Constitution précise qu'il y autant de ministres d'expression française que de ministres d'expression néerlandaise ;

- la langue utilisée pour annoncer en premier lieu la destination des trains au départ de Bruxelles (annonce en français d'abord si le train est à destination de la Wallonie, en néerlandais si le train se dirige vers la Frandre) ;

- obligation d'une interprétation simultanée dans les débats au Parlement fédéral et dans les congrès des syndicats. Ces derniers ont prévu dans leurs statuts la possibilité de réunir une cellule chargée de régler un éventuel conflit linguistique en leur sein.

 

Contentieux avec la Commission européenne

Le juge communautaire, à l'occasion d'une question préjudicielle qui lui était posée, a eu à se prononcer sur la compatibilité de la législation nationale avec les articles 30, 128, 129 A du Traité CE (liberté de circulation des marchandises) et la directive 79/112/CEE du Conseil du 18 décembre 1978 relative au rapprochement des législations des Etats membres concernant l'étiquetage et la présentation des denrées alimentaires destinées au consommateur final, ainsi que la publicité faite à leur égard. La législation nationale imposait l'utilisation, dans l'étiquetage des denrées alimentaires, d'une langue dominante de la région de vente du produit. Le litige est né à l'occasion d'inscriptions en allemand figurant sur des produits mis en vente dans une région néerlandophone.

 

Le juge communautaire, dans un arrêt du 12 octobre 1995 (Piageme/Peeters), a estimé que l'expression "langue facilement comprise" figurant dans la directive, ne pouvait être interprétée comme permettant d'imposer "l'utilisation de la langue dominante de la région dans laquelle le produit est mis en vente" S'abstenant de donner une définition précise de l'expression, il a ajouté que "la facilité de compréhension des informations fournies doit être appréciée à la lumière de toutes les circonstances de chaque cas d'espèce".

 

A la suite de ce litige, la directive sur l'étiquetage des produits alimentaires a été modifiée par la directive 97/4 du 27 janvier 1997 : il a été rajouté un considérant selon lequel l'impératif de protection du consommateur "implique que les Etats membres puissent, dans le respect des règles du Traité, imposer des exigences linguistiques", ainsi qu'un paragraphe disposant que "l'Etat membre où le produit est commercialisé peut, dans le respect des règles du Traité, imposer sur son territoire que ces mentions d'étiquetage figurent au moins dans une ou plusieurs langues qu'il détermine parmi les langues officielles de la Communauté".

 

Projets envisagés par les autorités dans le domaine de la politique linguistique D'importantes évolutions ne sont pas envisageables à court ou moyen terme, car elles pourraient remettre en cause l'équilibre de l'ensemble du système institutionnel belge.

 

On observe néanmoins quelques petites évolutions :

- sur proposition du précédent ministre de la justice, les critères de bilinguisme pour les magistrats recrutés afin de résorber l'arriéré judiciaire à Bruxelles ont été assouplis.

- le Parlement flamand a adopté le 4 avril 2003 une disposition permettant d'utiliser dans l'enseignement supérieur une autre langue que le néerlandais à certaines conditions : si le cours le nécessite (lettres romanes par exemple), si la matière est enseignée par un professeur étranger, s'il est démontré que cette pratique apporte une plus-value aux étudiants.

 

Commentaires

En Belgique, malgré la supériorité numérique des néerlandophones, ce n'est pas le français qui est menacé de disparaître. Placée entre des Pays-Bas où l'anglais se développe et une Wallonie "soutenue" par l'imposant territoire francophone situé au Sud, la Flandre craint de voir sa langue disparaître. Cette situation explique la position défensive des flamands sur les questions linguistiques, en matière de recrutement par exemple. La communauté flamande réalise d'ailleurs d'importants efforts pour inciter les néerlandophones à s'installer à Bruxelles où près de 85% des habitants s'expriment en français : incitations financières, développement des structures d'accueil et de loisirs pour enfants et adolescents, écoles dans lesquelles les classes sont peu chargées, etc.

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