Compte-rendu de la table ronde
Compte- rendu de la table ronde sur le thème de la coopération en matière de traduction
9 novembre 2004
L'atelier traduction s'est tenu le mardi 9 novembre, sous la forme d'une table ronde.
Participants à la table ronde :
- M. Daniel GOUADEC, professeur à l'université de Rennes II ;
- Mme Marie Mériaud, directrice de l'institut supérieur de traduction et d'interprétation
(ISIT) de la faculté catholique de Paris ;
- Mme Giulana ZEULI, directrice du Tyrone Guthrie Centre (ITIA (Irish Translators and
Interpreters Association) de Dublin ;
- M. Dieter Rummel, traducteur, Centre de traduction des organes de l'Union européenne,
Luxembourg ;
- Animateur : M. Pierre Janin, chargé de mission à la délégation générale à la langue
française et aux langues de France, ministère de la culture et de la communication, Paris.
L'atelier a cherché à étudier la traduction comme l'un des outils indispensables à la
construction d'une Europe plurilingue. Il a tenté d'établir un état des lieux de la traduction en
Europe.
Le plurilinguisme européen est une nouveauté dont il convient de prendre la mesure ; nous
avons des dispositifs de préservation et d'enrichissement de nos langues, de nature interne à
nos pays. Il manque encore une coopération sur la traduction entre ces langues, ces corpus et
aussi sur la formation universitaire à ces métiers, même si elle se met lentement en place.
Enfin, les administrations nationales, traditionnellement monolingues, doivent tenir compte de
la mobilité des personnes et des services, qui obligent à recourir beaucoup plus fréquemment
qu'il y a peu à de la traduction.
Le professeur Gouadec montre l'urgence d'une réflexion sur le statut de traducteur et les
métiers de la traduction.
Les métiers de la traduction se développent considérablement et se diversifient : par exemple,
les sur-titreurs au théâtre, les pré-traducteurs (qui préparent les matériaux à traduire), les
activités de gestion des besoins linguistiques d'une entreprise, etc.
Ils le font dans un contexte d'industrialisation. Les opérations de traduction sont de plus en
plus traitées comme les autres produits : segmentées, soumises à des procédures de calibration
et d'étalonnage. Les outils informatiques (lexiques, bases de données, explorateurs de
corpus…) assistent le traducteur dans sa tâche, mais ne pourront jamais le remplacer.
Le statut des traducteurs est soumis, plus que les autres, à la concurrence sauvage de la
globalisation. L'Europe pourrait réfléchir aux solutions imaginées au Canada, où l'État s'est
institué comme une sorte d'"agence de traduction" nationale. La production de valeur qui
résulte des activités de traduction est en effet un enjeu économique important.
Les technologies nouvelles ont apporté à la traduction des outils (répertoires terminologiques)
qui la rendent plus efficace et de meilleure qualité. Les forums de traducteurs sont d'autre part
une réponse collective intéressante à leur éparpillement.
Mme Mériaud présente le mastère de management linguistique que son école, l'ISIT, a lancé
en 2004, avec sept autres universités européennes. Les métiers de la traduction évoluent, car
les entreprises ont besoin de compétences transversales, linguistiques mais surtout culturelles.
La formation consiste donc à apprendre comment gérer, planifier, organiser toute activité qui
implique l'utilisation de langues étrangères dans une entreprise. L'essentiel de la formation des
traducteurs consiste donc à leur apprendre à transférer un message d'une culture à l'autre, ce
qui suppose donc de connaître au mieux les types de cultures nationales et de cultures
d'entreprise d'un pays à l'autre.
Mme Guiliana Zeuli présente le réseau des collèges de traducteurs. Mis en place depuis une
vingtaine d'années, le réseau, entièrement associatif, comprend un collège par pays européen,
ou presque (du moins dans l'Europe des Quinze). Ces collèges sont pour la plupart des
structures de travail et d'hébergement à la fois. Les collèges offrent l'occasion de réunir les
traducteurs pour des colloques ou séminaires d'étude (assises de la traduction littéraire en
Arles) et de les faire se rencontrer et visiter le pays de la langue qu'ils traduisent. Ce réseau,
bien implanté, pourrait être l'un des relais d'une politique européenne de la traduction.
M. Dieter Rummel, pour le centre de traduction des organes de l'Union européenne, expose la
spécificité de la traduction dans l'administration européenne, avec le statut de vingt langues
officielles. Les traducteurs ont souvent l'occasion de changer de fonction après quelques
années au centre de traduction, ce qui démontre leur capacité d'adaptation.
La traduction est à la fois une activité linguistique spécifique, qui demande une technicité
particulière, et une activité de communication entre cultures, qui doit résoudre tout un éventail
de problèmes différents. Elle est donc intimement liée à la construction de l'espace culturel et
économique européen. Elle est plus une chance qu'un problème pour l'Europe, à condition de
lui donner une place et un statut qui la rende moins vulnérable à la globalisation.