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Baldi - Français

Conférence annuelle de la fédération européenne des institutions linguistiques nationales

Stockholm 14 octobre 2003

Cette table ronde a pour but de mieux connaître la place et le rôle du droit dans les

politiques linguistiques des pays de l’Union européenne. Je tenterai en huit minutes de

présenter la situation française, en répondant à quatre questions.

1. Comment, historiquement, en France la politique linguistique s’est-elle appuyée sur

le droit ?

Le statut du français en France résulte d’une évolution qui doit beaucoup à l’autorité

politique, à la décision du roi. En 1539, François 1

er impose ainsi le français à la place du

2. Deuxième question : Quel sont les principaux traits de notre droit de la langue

française ?

Ce droit couvre essentiellement quatre domaines :

- la consommation : l’information relative aux biens et services proposés aux

consommateurs ainsi que la publicité qui en est faite doivent être en langue

française ;

- le travail : différents documents nécessaires à l’intégration du salarié dans

l’entreprise doivent être rédigés en langue française ;

- l’enseignement : le français est la langue dans laquelle sont dispensés les cours et

les examens ;

- les sciences : tout participant à un colloque scientifique se déroulant en France a le

droit de s’exprimer en français et de disposer d’un programme en français.

L’inobservation de ces dispositions est assortie de sanctions pénales. Il s’agit de

contraventions passibles d’amendes dont le montant unitaire maximum est de 750 euros. Le

juge peut faire application du principe de cumul et prononcer autant d’amendes que de

produits en infraction.

Par ailleurs, tous les agents de l’Etat français sont tenus de recourir à notre langue dans

le cadre de leur activité professionnelle, en France et à l’étranger. Toutefois, il n’existe pas de

sanction, ni pénale, ni administrative, à l’encontre des fonctionnaires qui contreviendraient à

ces règles.

Enfin, notre législation a aussi pour but de promouvoir le plurilinguisme. La loi de

1994 prévoit que lorsque qu’une administration traduit une information qu’elle destine au

public (annonce, signalisation, présentation sur un site internet) elle doit le faire en au moins

deux langues étrangères. Par ailleurs, la loi fixe comme objectif à l’enseignement la

connaissance de deux langues autres que le français.

Troisième question : Comment ce droit est-il appliqué ?

La coordination de l’application de notre droit est assurée par la délégation générale à

la langue française et aux langues de France, qui est un service à vocation interministérielle

du ministère de la culture et de la communication.

Les contrôles sur le terrain, quant à eux, sont assurés par les services de l’Etat

compétents dans chacun des domaines concernés par la loi.

Ainsi, ce sont les services du ministère de l’économie et des finances qui veillent à

l’information en français des consommateurs ; ce sont les services du ministère des affaires

sociales qui contrôlent l’application des dispositions relatives à la protection des salariés.

Cette organisation donne des résultats satisfaisants. Ainsi, le taux d’infractions dans le

domaine, prioritaire, de la consommation est modeste, puisqu’il atteint 10% des contrôles

effectués. Ces infractions sont en outre de faible gravité et donnent rarement lieu à des

condamnations par les juges.

La situation est en revanche plus difficile pour les colloques scientifiques organisés en

France. Ces colloques ont souvent l’anglais comme langue de travail, conséquence de la

suprématie de cette langue dans le secteur scientifique.

Enfin, l’administration française ne se montre pas toujours exemplaire dans la

promotion du plurilinguisme. Elle ne s’est pas encore dotée d’une politique de la traduction

conforme aux objectifs de la loi de 1994.

4. Quel est l’avenir de la construction juridique et institutionnelle française ?

En dépit d’un fonctionnement satisfaisant et de résultats positifs, la pérennité du

« système français » n’est pas assurée. Trois éléments de contexte pèsent sur lui : le

développement de l’économie numérique, la mondialisation des échanges et le renforcement

de l’intégration européenne.

Le développement de l’économie numérique, et notamment du commerce

électronique, pose des difficultés à la fois juridiques, liées à la question du droit linguistique

applicable, et pratiques, liées au contrôle exercé par l’Etat.

La mondialisation économique a pour conséquence de développer l’usage de l’anglais

dans la vie des entreprises en France. Cette évolution est dans certains cas préjudiciable aux

salariés, et l’on constate que les chefs d’entreprises ignorent souvent leurs obligations en

matière d’emploi du français dans leurs sociétés.

Enfin, notre droit se heurte au droit communautaire et à son interprétation par la

Commission européenne. La France impose la présence du français, sans exclure celle

d’autres langues, pour assurer l’information du consommateur. La Commission européenne

préfère que cette information soit assurée dans une « langue facilement compréhensible par le

consommateur », mais cette notion n’existe pas dans notre droit.

C’est dans ce contexte en pleine mutation, que notre ministre de tutelle s’est engagé à

dresser un état des lieux de la politique linguistique française. Ce bilan sera l’occasion

d’évaluer la pertinence et l’actualité des principes qui guident notre droit et de rechercher les

moyens d’améliorer l’efficacité de notre politique en faveur du français et de la diversité

linguistique.

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